Chapitre 3. Explications, vous avez dit explications?

Je n'ai même pas eu le temps de sonner, Don est sorti, il est venu vers moi et, avec un sourire jusqu'aux oreilles, il m'a enlacé.
J'ai pas râlé... enfin, pas tout de suite!
Ça m'a fait plaisir de le sentir à nouveau là. Je n'avais pas trop pensé à lui toutes ces années, mais maintenant, je me rendais compte du vide qu'avait créé son absence dans notre petite communauté... C'est fou ce que certaines personnes peuvent prendre comme place!
" Léa! Je suis si content de te retrouver... Viens, rentrons, que je te vois à la lumière."

J'ai toujours pas râlé... et je l'ai suivi.

À l'intérieur, Dina descendait l'escalier. Vu sa tenue, à l'évidence elle sortait du jacuzzi...

Je me sentais un peu sur la défensive, et, en même temps, curieusement incapable de sortir ce que j'avais sur le coeur.
Dina m'a souri et m'a dit qu'elle était ravie de me voir.
Et Don s'est mis aux fourneaux!... Je rêve : il sait faire la cuisine maintenant?...

On s'est attablé peu après, et figurez-vous que c'était bon...
On a bavardé. D'abord Don m'a félicité pour mon diplôme et m'a demandé comment ça s'était passé à l'université. Là, j'ai pas voulu suivre :
" Dis, dis! Tu crois pas que c'est plutôt à toi de nous raconter ce que tu as fait ces derniers mois?"

Il a éclaté de rire et Dina m'a regardé avant de dire :
" Ça, mon vieux, si tu croyais t'en sortir à si bon compte...
Don : - Okay, mesdames... Je m'incline...  Devant vous deux, je ne suis pas de force!"

" Vous savez, il n'y a pas grand chose à dire... J'ai passé ces trois années à bosser comme un dingue, et je n'ai pas vu grand chose du pays!"
Dina et moi avons échangé un regard dubitatif, et j'ai attaqué :
" Et t'avais même pas le temps de passer un coup de fil?"
Il s'est rembruni. J'ai bien vu qu'il n'était pas trop à l'aise, il a marqué un temps d'arrêt avant de reprendre :
" Disons que je n'en voyais pas l'intérêt..."
Là, on en est resté comme deux ronds de flanc. Ah bon! Monsieur considérait que prendre des nouvelles de ses ami(e)s, ça n'avait pas d'intérêt...

Le reste du repas a été plutôt morose. Dès la dernière bouchée avalée, Dina a annoncé qu'elle allait partir "parce qu'elle avait une petite famille qui s'inquiéterait si elle rentrait trop tard"... Don n'a pas relevé le sous-entendu et ils se sont quittés un peu froidement.
J'allais en faire autant, mais il m'a demandé :
" Reste un peu, Léa. Va prendre un bain dans le jacuzzi pendant que je range, ça te détendra..."
J'avais bien envie de l'envoyer paître, mais il y avait quelque chose dans son regard, comme une inquiétude, qui m'a fait renoncer.

J'ai pas fait trop long feu dans le jacuzzi, j'avais encore des questions à poser, moi, et il allait bien falloir que Don me donne des explications un peu plus... explicatives!

Il devait d'ailleurs avoir terminé en bas parce qu'il est arrivé sur la terrasse :
" Déjà fini?
- Oui, j'ai pas trop envie, là...
- Okay, allons dans la chambre."

J'ai bien entendu, là???
Il m'a tourné le dos et est rentré à l'intérieur. Bon, j'ai suivi...

Il était allongé sur le lit et a tapoté la place à côté de lui :
" Installe-toi."
J'ai dû faire une drôle de tête, parce qu'il a éclaté de rire :
" Ne me regarde pas comme ça, ma louvette! C'est une proposition en tout bien tout honneur : je suis crevé, j'ai dix heures de décalage horaire dans les pattes..."
Bon, admettons...
" Je t'écoute, Don. Je suppose que si tu m'as demandé de rester, c'est quand même parce que tu avais quelque chose à me dire?
- Oui... Et ça ne concerne pas Dina. Je ne voudrais pas que tu crois que je me suis désintéressé de toi, là-bas... J'espère que tu me considères toujours comme ton ami?"
J'ai rien répondu, à lui de mariner un peu dans son jus!
Il m'a regardé, attendant visiblement que je parle, et puis, ne voyant rien venir (et pour cause!), il a poussé un soupir.
" Tu sais, Léa, après ce qui s'était passé entre nous, je pensais que tu avais besoin de prendre le large, de vivre en paix ta vie d'étudiante, de rencontrer d'autres... hommes... J'aurais bien aimé savoir ce que tu devenais, mais, bon, ça pouvait attendre.
Léa : - Attends! Tu es en train de me dire que si tu as coupé les ponts avec tout le monde ici, c'est à cause de moi???
Léa : - En grande partie, oui... Si j'ai eu tort, je te demande pardon... Et puis, tu sais, c'est vrai que j'ai passé dix-huit heures par jour en moyenne, sept jours sur sept, à bosser...
Léa (caustique) : - À ce rythme là, tu dois être devenu drôlement câlé!
Don (attristé) : - ... Pas mal, oui..."

Bon, qu'est-ce que je pouvais dire de plus? Ce type est vraiment impossible! Je me suis levée et je suis rentrée chez moi.

Pas plus tard que le lendemain, Don me rappelait...
" Écoute, Léa, je ne voudrais pas qu'on reste sur un malentendu... Je tiens beaucoup à ton amitié, tu sais... Tu es une des rares femmes avec lesquelles je peux parler à coeur ouvert.
Léa : - Arrête la pommade, tu veux? J'avoue que je ne te comprends pas très bien, là, mais bon, je veux bien passer l'éponge...
Don : - Merci, Léa!... J'en attendais pas moins de toi... Alors, dis-moi, tu veux entrer dans la Police, il paraît?
Léa : - Ben oui, ça me plaît bien...
Don : - J'ai eu l'occasion de travailler dans un labo, là-bas, tu vas vivre des trucs pas très rigolos...
Léa : - Je sais, mais bon, c'est pas pire que de charcuter les gens, monsieur le chirurgien!... "

Il a ri, et puis on a parlé de choses et d'autres, comme avant...
Je lui ai pardonné?... Je ne sais pas... Mais une chose est sûre : je ne peux pas me fâcher avec lui, il représente trop de souvenirs pour moi...