Chapitre 14. Frank le trappeur

Le départ de Jenny avait emmené son frère aîné à reconsidérer son existence. Frank avait été très heureux de provoquer le départ des siens vers l'ouest et, à cette époque, l'idée de devenir colon, de posséder sa terre, lui paraissait magnifique.
Mais, très vite, il avait compris qu'il n'aimait pas le travail de cultivateur. Il avait alors tâté de l'élevage en se chargeant des moutons. Ce qui l'attirait surtout, c'était de chasser, d'épier les bêtes sauvages, de se montrer plus malin qu'elles. Ni cultivateur, ni éleveur...
Il aimait cependant ces terres vierges qui s'étendaient sur des centaines de kilomètres, ces paysages dont la beauté lui coupait le souffle. Pour rien au monde, il n'aurait repris son ancienne vie!
Alors quoi? Il n'hésita pas longtemps : ce qui lui importait, c'était la vie sauvage, loin des villes et de la civilisation.

Moins de trois mois après Jenny, Frank quitta à son tour les siens. Il n'emporta que ce qu'il avait sur le dos, n'ayant même pas le courage d'annoncer son départ.
Ce fut David qui trouva sa courte lettre et la lut à sa famille consternée :
" Je pars. Pardonnez-moi. Frank."
Il choisit un lieu isolé, construisit une cabane en bois et s'y installa. Ses seuls voisins étaient quelques Simdiens, chassés de leur territoire par l'avancée inexorable des colons qui s'emparaient sans vergogne de leurs terrains de chasse pour les transformer en cultures.

L'hiver fut rude cette année-là, et un jour qu'il s'était beaucoup éloigné de sa cabane, Frank fut pris dans une véritable tempête de neige. Il serait certainement mort de froid si un Simdien qui chassait par là ne l'avait trouvé et ne l'avait ramené dans son abri.
L'homme lui apprit à survivre dans une nature souvent hostile, et devint son ami. Il s'appelait Vent d'Est et avait une soeur, Pluie d'Automne...
Arriva ce qui devait arriver.

Pluie d'Automne vint s'installer avec Frank dans sa cabane.
Seule la nature, le vent, le soleil et la pluie présidèrent à leur union, ils ne jugèrent pas utiles de suivre les règles d'une quelconque cérémonie, chacun ayant rompu avec les siens. Leur harmonie leur suffisait.
C'était une curiosité de tous les jours qui les poussait l'un vers l'autre, plus qu'un amour véritable. Ils vivaient au jour le jour, au rythme de la nature et sans souci du lendemain. Seul Vent d'Est venait les voir de temps à autre.

Leur fils naquit par une belle matinée d'été.
Frank le baptisa Jeff, en souvenir de son grand-père. Vent d'Est, qui était un peu sorcier, et avait lu les nuages, dit qu'il aurait un destin hors du commun parce que les signes étaient très nets. Frank sourit, il ne croyait pas aux prédictions.
Pluie d'Automne, trop heureuse de tenir son bébé dans ses bras, ne s'en préoccupa guère. Mais Jeff, n'avait-il pas entendu? Son petit visage avait l'air tout étonné...

Mais très vite, le bébé s'endormit dans son berceau, comme oublieux de ce qu'avait dit son oncle.
La vie reprit avec ses chasses, ses pêches, ses moments de paresse au soleil et de labeur quotidien.
Pourtant, dans un lointain pas si lointain, la civilisation du progrès se rapprochait chaque jour davantage du havre de paix qu'avait voulu son père...