Chapitre 18. Les coups du sort...

Cela fait trois mois déjà...
Jenny n'a pas revu Paul, dès le lendemain de leur folle nuit, il est parti parcourir le pays pour présenter les idées de son parti, les élections sont dans un mois.

Mais il lui a fait parvenir un bouquet tous les jours, et l'inonde de lettres enflammées... Il lui dit qu'il l'aime comme il n'a jamais aimé, qu'il tient à elle, que dès que les élections seront passées, il trouvera un moyen...

Jenny ne veut pas trop y croire. Un moyen? Comment pourraient-ils vivre ensemble? Osera-t-il divorcer,  se remarier avec elle?
Dans la société où il évolue, ça ne se fait pas... Et que deviendrait sa carrière politique avec un tel scandale? On tolérerait qu'elle soit sa maîtresse, mais pas qu'il l'épouse!

Le meilleur remède aux peines de coeur, n'est-ce pas le travail?
En s'occupant l'esprit, Jenny essaye de calmer ses inquiétudes, elle passe de longues heures au piano, à s'accompagner elle-même.
Elle pense accepter un tour de chant qui la fera voyager et, ce faisant, lui fera oublier ce qu'elle considère comme un impossible rêve.

Le plus dur c'est de devoir prendre mille précautions pour correspondre avec Paul. Elle lui écrit sous double enveloppe, comme il le lui a demandé, la première au nom de son secrétaire particulier, et la seconde à son nom à lui...
Elle répond à ses déclarations et ses projets amoureux en essayant d'être raisonnable pour deux, il lui écrit qu'elle ne l'aime pas, elle dément bien vite...

Où tout cela va-t-il les mener?

Extrait du journal de Jenny :

"Le sort s'acharne sur ma famille... Qu'avons-nous fait au ciel pour mériter ça? Y-a-t-il une justice en ce monde? J'en viens à en douter...

Un matin, un homme vêtu de sombre est venu me trouver. Il était accompagné d'un petit garçon d'environ trois ans. Il m'a demandé si j'étais bien Jenny Freeman, et sur ma réponse positive, il m'a remis une lettre.
J'aurais voulu ne jamais lire cela!... Frank est mort, et sa compagne avec lui... Ils ont été emportés par une fièvre froudoyante à quelques jours d'intervalles. Leur fils était dans le village indien et a échappé à la contagion.

C'est son oncle qui l'a remis à une famille de colons, avec une lettre de Frank. Sentant sa mort proche, il m'a confié le petit Jeff...
Dois-je vraiment garder cet enfant? Ne serait-il pas mieux avec mes parents, à la ferme? Il s'attache déjà à moi... Ai-je les moyens, avec la vie que je mène, de lui donner l'attention et l'affection dont il a besoin?"

Paul est revenu, et s'est précipité directement chez Jenny.
Dans les bras l'un de l'autre, ils ont effacé les mois de séparation , ils n'ont pas pris le temps de parler, leurs caresses et leurs baisers leur paraissant plus éloquents que le plus long discours.

Après, il fallut bien prendre le temps de poser les choses, d'étudier la situation.
Le parti de Paul avait de fortes chances de remporter les élections, et celui-ci aurait certainement un portefeuille dans le prochain gouvernement.
Mais il se moquait du qu'en-dira-t-on, il voulait vivre avec Jenny, avoir des enfants avec Jenny, qu'ils feraient grandir avec le petit Jeff, qu'ils adopteraient... Dès qu'il rentrerait chez lui, il annoncerait à sa femme son intention de divorcer...

Paul s'est installé dans son bureau, seul.
Il a besoin de faire le point... Il ne sait que penser de ce nouveau coup du destin...
Alors qu'il avait réfléchi pendant ces dernières semaines, pesé le pour et le contre, reculant devant les obstacles, puis se disant qu'il n'avait qu'une vie, et qu'il avait bien le droit d'en profiter, luttant contre ce refus de faire de la peine à sa femme, imaginant la joie de Jenny...

Que faire maintenant?
Aurélia s'était précipitée vers lui à peine avait-il franchi la porte, sourire aux lèvres et regard brillant de bonheur...
Il n'avait eu le temps de rien dire...

Avait-il seulement le choix?
De toutes façons, pour Jenny ou pour Aurélia, il allait se conduire comme un lâche... ou un salaud!

Trois semaines maintenant que Paul est rentré chez lui, et il ne lui a donné aucun signe de vie. Qu'est-ce que cela signifie?

Six semaines que Jeff est à la maison, il commence à s'alimenter normalement et a repris du poids, il ne pleure plus toutes les nuits, il lui sourit quand elle le prend dans ses bras...
Jenny a renoncé à sa tournée, elle ne peut imaginer de laisser le petit aux soins d'une nourrice ! Pas si tôt! Il se croirait à nouveau abandonné...

Un visiteur imprévu vient sortir Jenny de ses pensées, pourvu que ce ne soit pas un de ses admirateurs qui aurait réussi à se procurer son adresse, elle n'a pas le coeur à bavarder!
" Monsieur? Vous désirez?..."
Elle hésite devant ce beau garçon souriant.
" Jenny... Tu ne me reconnais pas?... Ma grande soeur adorée!
- ... David!... C'est vraiment toi?!..."

Il rit, la soulève dans ses bras, la fait tourbillonner et l'embrasse sur les deux joues.